ET SI LES PLANTES ÉTAIENT DOTÉES DE CONSCIENCE ?

La question de la conscience est depuis toujours au cœur des débats philosophiques et scientifiques. Est-elle une illusion métaphysique, comme le prétendait Hume, ou une « substance pensante », selon la vision cartésienne du Moi en tant qu’entité réflexive ? Où se situe cette conscience (dans une aire précise du cerveau ou est-ce plus diffus)? Parlons nous seulement de la même chose lorsqu’on appréhende le concept de la conscience ?

 Ces interrogations, dont on pourrait croire qu’elles sont fort éloignées de notre vie de tous les jours , ont au contraire des implications concrètes dans notre quotidien

Prenons, par exemple, l’affaire survenue le 2 janvier 2023 à Paris, où un chat nommé Neko s’était réfugié sous un train prêt au départ. Malgré les innombrables efforts des propriétaires et des passagers pour retarder l’échéance, le train était parti, causant la mort du félin. Cette tragédie avait suscité aussitôt une vive émotion au sein de l’opinion publique, allant même jusqu’à une pétition rassemblant des dizaines de milliers de personnes et une plainte contre la SNCF pour actes de cruauté envers un animal.

Il fut un temps où la mort d’un chat n’aurait guère suscité d’intérêt, si ce n’est pour les aficionados de la rubrique “chiens écrasés”. Mais aujourd’hui, notre perception des animaux a tellement évolué, tant sur le plan juridique que philosophique, que certains animaux sont même considérés de nos jours comme des « personnes non humaines » (il semble en effet bien loin le temps où les animaux étaient considérés comme des simples bien meubles, des machines ou des “automates” sans âme pour reprendre le propos de Descartes)

Cette transformation reflète donc  l’importance croissante de la question de la conscience..

Et si au fond, la conscience n’était point l’apanage de la seule espèce humaine ? Et si la question de savoir si le vivant tout entier était en quelque sorte mû par une conscience devait se poser, aujourd’hui plus que jamais ? Quid des bouleversements en termes de rapports entre humains et animaux, entre humains et leur environnement et de manière générale au vivant, si la conscience du « vivant » devait être une réalité ?

Dans cet article, nous nous proposons donc d’explorer cette hypothèse vertigineuse, notre thèse étant que cette dernière existe, ou du moins que tout un faisceau d’indices tendent à montrer que la conscience ne saurait se cantonner à la seule espèce humaine.

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Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il faudrait – au préalable – définir ce que nous entendons exactement par « conscience ».

La conscience, étymologiquement liée à la notion de connaissance, peut être définie comme une faculté de perception immédiate et spontanée, comme une faculté à se distinguer et à se rendre compte de l’existence de choses et êtres extérieures à sa propre existence. Elle renvoie également à la subjectivité, à la capacité de se rendre compte de ses perceptions et d’y donner un sens. 

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La conscience pouvant donc se définir de multiples façons, et surtout s’appréhender selon des degrés divers et variés (il y a mille et une nuances de conscience); pour les besoins de cet article, nous avons pris le parti d’appréhender cette dernière dans sa conception la plus minimale, à savoir la conscience comme phénomène de perception immédiate, spontanée, et éventuellement faculté à se distinguer et à se rendre compte de l’existence de choses et êtres extérieures à sa propre existence.

Partant de cette simple définition, un constat s’est assez vite imposé. 

Si l’on se limite à la définition minimale susmentionnée, il devient évident que l’humain n’est pas la seule espèce dotée de conscience.

Des tests, tels que le test du miroir développé par Gordon G. Gallup, ont par exemple montré que des animaux comme les grands dauphins, les orques, certains singes, les porcs, ainsi que certaines espèces d’oiseaux et de poissons, étaient capables de reconnaître leur propre reflet.

Toutefois, l’échec de ce test par certains animaux ne signifie pas nécessairement qu’ils sont dépourvus de conscience. L’interprétation et la valeur des résultats obtenues grâce à ce test ont d’ailleurs été maintes fois débattues. 

Ainsi, le test du miroir a parfois été considéré comme réducteur lorsqu’on y soumettait des animaux qui se servaient davantage d’autres sens que la vue.

Des éthologues ont par ailleur fait remarquer que la simple façon de présenter ce test n’était pas toujours adaptée à l’espèce étudiée et pouvait conduire à des résultats biaisés (Ainsi, un miroir trop petit présenté à des éléphants d’Asie a longtemps laissé penser à un résultat négatif, avant d’être invalidé plusieurs années plus tard avec un miroir de taille adaptée.)

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Pour revenir au cœur du sujet, on le voit donc, de nombreuses espèces animales semblent dotées d’une forme de conscience. 

Mais si c’était là une facilité ? après tout, n’est-ce pas par analogie que nous attribuons une conscience à des animaux que nous affectionnons, à des mammifères qui nous ressemblent (parce que dotés d’un cerveau) ? 

Et si c’était là notre anthropocentrisme qui nous empêchait de voir, qu’au fond, au sein du vivant, la conscience pourrait être bien plus répandue qu’on ne le croit ?

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L’ami Bergson n’était pas loin de penser la même chose. 

Dans son ouvrage intitulé « l’énergie spirituelle », ce dernier nous explique que nous partons généralement du postulat que la présence du cerveau serait une condition nécessaire de la conscience. Mais si rien n’était plus faux ?

Pour étayer son analyse, Bergson élabore une analogie pour souligner les limites d’une telle assertion.

Nous présupposons par exemple que la digestion serait liée à la présence de l’estomac, comme nous présupposons que la conscience serait nécessairement liée à la présence d’un cerveau.

Cependant, le cas de l’amibe qui digère sans estomac infirme ce présupposé. Qu’est‑ce qui empêcherait donc à un être sans cerveau de penser ? Ne serait‑ce pas par anthropocentrisme que nous défendons cette opinion ?

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Au fond, au sein du vivant, la conscience pourrait donc être bien plus répandue qu’on ne le croit, et ce malgré l’absence de système nerveux complexe. 

C’est ce que semblent du moins défendre certains scientifiques.

Des études récentes sur les arbres ont par exemple montré que ces derniers  communiquaient entre eux et manifestaient des capacités d’apprentissage et de mémoire, qu’ils ressentaient le monde extérieur, se situaient dans l’espace, et étaient capables de délimiter le soi et le non-soi. 

Les arbres font ainsi preuve de « mémoire », ou du moins de capacité d’apprentissage et de « calcul ». 

Une forme d’«intelligence» leur est même désormais accordée. » – Même si L’intelligence des arbres n’a rien à voir avec celle des hommes, comme le rappelle bien le chercheur en écologie forestière Jacques Tassin

Et on pourrait multiplier les exemples concernant d’autres espèces végétales, de sorte qu’une discipline a même émergé ces dernières décennies, se proposant d’étudier ces phénomènes : La neurobiologie végétale.

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Ces découvertes remettent donc en question notre conception traditionnelle de la conscience et suggèrent qu’elle pourrait être bien plus répandue dans le règne du vivant que nous ne le pensions. 

Certes, beaucoup d’éléments restent encore suspens, et certaines thèses sont âprement disputées et combattues, mais il n’en reste pas moins qu’évoquer les termes « sensibilité » et « conscience » concernant les espèces végétales ne soit plus un gros mot.

Face aux défis mondiaux actuels, il serait facile de reléguer ces questionnements à de simples discussions académiques. 

Pourtant, reconnaître la conscience chez les animaux et plus largement chez le vivant pourrait bel et bien transformer radicalement notre rapport à la nature et aux autres espèces.

 Cela remettrait en question nos pratiques actuelles, telles que l’exploitation animale et la dégradation environnementale, en nous confrontant à la réalité d’un monde vivant et conscient.

Peut-on saccager la terre comme on le fait quand on sait que cette dernière serait dotée d’une forme de conscience ? Peut-on massacrer, maltraiter, manger des animaux comme on le fait, alors que ce sont des êtres sensibles (à l’image de nos compagnons que sont les chats et chiens) et conscients ; des êtres dotés d’une vie intérieure ?

Et si, au fond, les anciens, et nombre de populations “vivant au contact de la nature” ne s’étaient point trompés dans le cadre de leurs rapports au vivant ? 

A l’évidence, les anciens semblaient être plus respectueux vis-à-vis de leur environnement, quand ils attribuaient des âmes/esprits aux animaux, plantes, minéraux, voire certains écosystèmes entiers. 

Certes, j’entends bien que c’étaient dans le cadre de religions que d’aucuns considérerait aujourd’hui comme absolument archaïques, désuètes, irrationnelles ( à l’instar du totémisme, de l’animisme etc.).

Seulement, je constate que cette vision, cette manière de “sacraliser”  le vivant a permis un certain équilibre écologique avec leur environnement durant des millénaires. 

De manière générale, et comme le souligne fort bien Bruno Moulia, les recherches actuelles ont fait tomber “le mur que notre civilisation occidentale avait dressé depuis Aristote” entre humains et animaux, entre animaux sensibles et capables de mouvement actifs, et “les plantes seulement capables de… végéter ». De sorte que, au vu de toutes ces découvertes sur la conscience “animale”, “végétale”, se pose plus que jamais l’impératif d’une nouvelle éthique, d’une nouvelle manière d’interagir avec le monde qui nous entoure. 

Reconnaître la conscience dans le vivant, au fond, ce serait peut-être ouvrir la voie à un respect plus profond et plus authentique de la vie sous toutes ses formes…

Un commentaire sur “ET SI LES PLANTES ÉTAIENT DOTÉES DE CONSCIENCE ?

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  1. Je suis heureuse de constater qu’enfin, les scientifiques se penchent sur ce sujet et admettent que peut-être, nous nous trompons depuis le début!

    La communication animale et avec le vivant se développe depuis un bon moment avec des résultats incroyables!

    En revanche, je suis un peu triste et désolée de lire à la fin : « A l’évidence, les anciens semblaient être plus respectueux vis-à-vis de leur environnement, quand ils attribuaient des âmes/esprits aux animaux, plantes, minéraux, voire certains écosystèmes entiers. « 

    « Certes, j’entends bien que c’étaient dans le cadre de religions que d’aucuns considérerait aujourd’hui comme absolument archaïques, désuètes, irrationnelles »… »

    Je ne sais pas qui a écrit cette étude et à partir de quels faits, mais manifestement, c’est quelqu’un qui n’a jamais essayé au moins une fois de faire une formation de communication avec le vivant.

    Je ne juge pas, mais je constate.

    Nos anciens ne faisaient rien par rapport à une quelconque religion, mais juste en fonction d’un ressenti et d’un « ancrage » profond avec la terre, les animaux, végétaux et minéraux.

    Une espèce de « lâcher prise », d’une conscience que nous faisons partie du « tout » et que le « tout » est en nous qui permet à qui le veut de communiquer avec le vivant!

    D’autant me qualifieront d’excentrique voire de « folle » je pense, mais rien de mieux que d’expérimenter les choses avant que d’en parler!

    Merci à vous pour cette étude quoi qu’il en soit. cela prouve que certaines personnes se posent de belles questions!

    Carine

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