Pourquoi nous tombons amoureux : les 3 grandes raisons cachées derrière les sentiments et les beaux discours

« L’ amour n’est qu’un mot jusqu’à ce que quelqu’un vienne lui donner un sens »- Paulo Coehlo

 » Un être vous manque, et tout est dépeuplé » –Alphonse de Lamartine

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Pourquoi le coup de foudre fait-il éprouver cette étrange impression d’avoir retrouvé l’autre moitié de soi-même ? Peut-on réellement aimer qu’une seule personne pour toute une vie ? L’amour peut-il se conjuguer à plusieurs ? Le désamour est-il inéluctable ? L’amour, un mythe? 

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Pour répondre à ces questions, voici quelques éléments de réponse, à la lumière de trois  philosophes ayant réfléchi sur la question. 

Mais avant d’évoquer ces trois philosophes, et histoire de savoir de quoi cet article va exactement parler, une petite définition s’impose. Parce que lorsqu’il s’agit de définir ce qu’est exactement l’amour, les choses se corsent. Et ce, dès le langage. 

Pour exemple, dans la langue française, le mot “amour” (qui est d’ailleurs l’un des seuls substantifs dans la langue française à avoir un double genre) regroupe des réalités différentes, allant de l’amour d’une activité (“j’aime le foot), d’un aliment (“j’aime les burgers) à l’amour filial, passionnel, etc. 

De manière générale, dans la vie courante, l’amour est souvent utilisé au singulier alors qu’il est en réalité pluriel. 

Les penseurs grecs étant conscients de cette complexité, pour résoudre cette problématique quant à la définition de l’amour, nous ont légué trois mots/concepts pour caractériser au mieux l’amour. Pour les grecs, l’amour a trois visages :  Eros (l’amour-passion), Agapê (l’amour-platonique), Philia (l’amour raisonnable, l’amitié)

Dans cet article, il sera davantage question de l’amour au sens d’Eros. 

Ceci étant dit et précisé, revenons donc à nos moutons. 

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*Le premier  philosophe dont je vais vous parler aujourd’hui, vous le connaissez tous. Il s’agit de celui qui est considéré comme le père de la philosophie. Je veux bien évidemment parler de l’illustre Platon, dont un philosophe du 20e siècle, Alfred North Whitehead, déclarait d’ailleurs à son propos, dans une formule célèbre que « toute l’histoire de la philosophie n’est qu’une suite de notes de bas de page aux dialogues de Platon »

Dans un de ses ouvrages (Le Banquet),  Platon met en scène plusieurs personnages attablés autour d’un banquet, et dissertant à qui mieux-mieux  autour de l’amour. 

Parmi les personnages invités à disserter sur l’amour, l’un d’eux a tellement fait sensation que son discours a traversé les âges. C’est le fameux discours d’Aristophane, où le poète, pour expliquer ce qu’est l’amour, relate un mythe. 

D’après ce mythe, nous étions jadis composés d’un corps double.

Les mâles avaient deux sexes masculins, les femelles deux sexes féminins, et les androgynes un sexe de chaque genre. Ces êtres étaient tellement puissants qu’un jour, ils voulurent défier les dieux. ils attaquèrent donc les dieux, et ils furent malheureusement vaincus. 

Zeus, terriblement en colère, et pour les punir, décida de couper en deux nos ancêtres. 

Or, quand leurs corps eut été ainsi divisés, chacun, regrettant sa moitié, faisait tout pour revenir à elle, en s’embrassant et s’enlaçant éperdument. N’y arrivant malheureusement pas, beaucoup finirent par dépérir, ne se nourrissant plus, affligées par la tristesse etc.

A la vue de cet affligeant spectacle, Zeus prit pitié de nos ancêtres, les pardonna, et ordonna à l’un des dieux de placer des organes génitaux, de manière à ce que nos prédécesseurs puissent réaliser l’union d’autrefois. 

Depuis ce jour-là, nous ne sommes que des moitiés d’humains, inconsolables, errant et parcourant la terre pour retrouver notre moitié et recomposer l’ancien être que nous étions alors. 

Bien évidemment ce n’est qu’un mythe, mais l’idée que quelque part dans le monde, il y aurait une personne faite pour nous, une personne qui nous complète est sans doute l’une des idées les plus universelles et communément admises dans l’imaginaire collectif.

Après tout, dans la bible (le christianisme étant au fondement de nos sociétés modernes), il est dit : “C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair.” 

En Chine, le terme « tàijí tú » rappelle que les concepts d’âme et de sororité sont liés, se succèdent mutuellement et que l’un existe grâce à l’autre : c’est là tout le principe du Yin et Yang. Dans la mythologie chinoise, à la naissance, maris et femmes sont tous reliés avec un fil rouge par un dieu qui s’occupe de former les relations prédestinées. 

Platon ne croyait pas à cette idée, mais il a retenu du mythe d’Aristophane la notion de manque. L’amour, ce serait essentiellement le désir et le manque. 

« Ce que l’on n’a pas, ce que l’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour. » disait le philosophe.

Donc le premier élément de réponse qu’on pourrait ici dégager pour expliquer l’origine de l’amour, c’est que l’amour au sens d’Eros répondrait en réalité à un manque/désir (Platon), à un besoin de complétude (Aristophane) pour renouer ou recomposer l’unité d’alors. 

Je trouve que ce sont là des propos intéressants, qui toutefois posent plusieurs questions. A en croire croire Aristophane, est-ce à dire qu’on aimerait vraiment qu’une seule fois? Par ailleurs, quid du polyamour ? Ne peut-on pas aimer plusieurs personnes à la fois ?  

Si l’amour est essentiellement désir et manque chez Platon, Est-ce à dire que sans ces deux ingrédiens, l’amour s’évanouirait dans la nature? (Cela me fait d’ailleurs pensé que je lisais un article qui relatait comment le confinement relatif à la pandémie avait entraîné un boom des divorces, et de manière générale des crises dans le couple.) 

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Le deuxième philosophe dont je vais parler est un peu plus pessimiste quant à l’amour, et considèrait que toutes ces fables autour de l’âme-soeur, ce sont en gros des contes à dormir debout. 

A dire vrai, pour cet auteur, l’amour romantique n’existe tout simplement pas. 

L’amour serait au contraire une ruse concoctée par mère nature, une sorte de carotte si vous voulez, pour inciter les individus à se reproduire. 

Dans un des chapitres de son ouvrage célèbre (Le Monde comme volonté et comme représentation), le philosophe Schopenhauer expose sa thèse sur l’amour. 

D’après l’auteur, « Tout état amoureux, si éthéré qu’il puisse paraître, s’enracine dans la seule pulsion sexuelle ». 

Les individus rechercheraient chez leurs partenaires un certain nombre de choses, parmi lesquels des correctifs (des qualités qui leur manqueraient) notamment pour améliorer l’espèce.

 Les hommes rechercheraient chez les femmes également des critères de fertilité, et les femmes rechercheraient des hommes âgés entre 30 et 40 ans, dans la force de l’âge, au plus fort de leur puissance matérielle, sexuelle, etc. 

Par contre, après l’union, ce serait la déconvenue. 

Quelques morceaux choisies : 

« L’homme est de nature porté à l’inconstance en amour, et la femme à la constance»

« l’adultère de la femme, au point de vue objectif, est bien plus impardonnable que celui de l’homme » 

Bref vous l’aurez compris, la thèse de l’auteur est donc aux aux antipodes de l’idée communément admise autour de l’amour. Le second élément de réponse qu’on pourrait donc ici dégager pour expliquer l’origine de l’amour, ce serait une volonté latente mère Nature qui nous pousserait à nous reproduire (“horloge biologique”/ “désir lorsqu’on voit une personne avec un certain type de physique” etc.), ce seraient nos gênes qui nous gouverneraient. 

Toutefois, est-ce à dire que son propos serait erroné ? D’un point de vue scientifique, et matière évolutive, choisir de “meilleurs partenaires” en vue de perpétuer l’espèce ne semble pas si infondé que ça. De là à mettre en formule l’équation amoureuse… 

A noter que si “l’amour” ou “l’instinct sexuel” était fondé sur une logique évolutive, quid de l’amour entre les personnes de même sexe qui éxiste aussi ?

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Le dernier philosophe dont je compte vous parler considère que l’amour n’est ni mythe, ni une expression narcissique. L’amour serait une réalité, voire un “événement” pour reprendre ses termes. 

Toutefois, dans un de ses ouvrages (“éloge de l’amour”), Alain Badiou sonne l’alarme. 

D’après le philosophe, l’amour serait en grand danger aujourd’hui.

 Le capitalisme – et à plus forte raisons les déclinaisons contemporaines du marché amoureux (site de rencontre, amour sécurisé) seraient en train de faire disparaître le réel amour, en favorisant la mise en place d’un amour de type “hédoniste” ou “libertaire”, l’amour hédoniste n’étant selon lui qu’une des variantes de la jouissance/plaisir généralisée. 

Une des idées que j’aime beaucoup chez cet auteur, outre le fait qu’il ait beaucoup écrit sur le sujet, c’est l’idée qu’il développe autour de l’amour. 

→L’amour serait pour Badiou 

→un “événement”,  

→“le hasard devenant un destin”,

 →une promesse d’éternité ou l’amour rime avec toujours [lorsque vous dites à l’être aimé que vous l’aimez, vous ne lui dites pas “je vais t’aimer durant 4mois ½] 

→une expérience unique du monde du point de vue du “deux”.  

Qu’entend-t-il exactement par “une expérience du point de vue du deux” ? 

Eh bien,  vous connaissez sans doute ce vers célèbre de Lamartine. Dans son poème “L’Isolement” (“Méditations Poétiques”), Lamartine déclare “Un être vous manque et tout est dépeuplé”.  Pour rappel, lorsque Lamartine compose ce poème, il a perdu Julie Charles, sa bien-aîmée, qui a été emportée prématurément par une tuberculose en 1817. Lamartine est donc tellement chagriné, qu’il ne voit plus aucun plaisir dans la vie, qu’il ne peut plus profiter/admirer la nature – si belle – qui s’offre à lui.  

A contrario, lorsqu’on est amoureux, lorsqu’on vit des moments à deux, on va parfois apprécier au centuple des paysages, des moments, des films etc. Comme si l’amour était une instance qui décuplait nos perceptions, qui nous faisaient appréhender des réalités jusqu’alors inconnues. 

Le troisième élément de réponse qu’on pourrait donc ici dégager pour expliquer l’origine de l’amour, ce serait cette volonté de vivre cette expérience singulière et unique du point de vue du deux.

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Quoi qu’il en soit, et histoire de conclure, l’amour n’en a pas fini de susciter  controverses et interrogations, films et romans mièvres. C’est un sujet qui demeure au centre de nos vies, de la conversation devant la machine à café sur la voisine ou la collègue pour qui on craque, à la controverse scientifique, littéraire, philosophique etc. 

Et si l’essentiel était toutefois ailleurs ? 

Et s’il fallait – pour paraphraser le sage – voir l’Amour comme un mystère qu’il faut vivre, et non un problème à résoudre ? 

Wilfried M.

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N.B : J’aurais aussi pu parler de Nietzsche, Pascal, Russel, et cie, mais je me suis dit que l’article serait un peu trop long. 

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